Un restaurant chic de 1 150 couverts dans un cabaret mondialement connu

LE CHEF

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Un restaurant chic de 1 150 couverts dans un cabaret mondialement connu

C’est au Lido que la formule du dîner-spectacle aurait été inventée en 1936. 8 décennies plus tard, le lieu est devenu un cabaret d’exception avec 330 collaborateurs et 500 000 visiteurs par an. En son cœur, 35 cuisiniers et 80 serveurs évoluent dans un restaurant chic de 520 couverts par jour en moyenne. Retour sur l’évolution du Lido et de sa cuisine.Par Anthony ThirietEn 1928, le Lido est une plage artificielle dans les sous-sols de Paris. La nuit, il s’anime avec casino et animations musicales dans l’eau. Il ferme ses portes en 1933 mais rouvre 3 ans plus tard, repris par Léon Volterra, qui en fait un lieu de spectacle. Après la guerre, le Lido passe aux mains des frères Joseph et Louis Clérico qui lancent d’importants travaux et créent une revue. Dès 1946, la scène rayonne de la beauté des danseuses et de l’éclat des costumes. Un lieu réinventé
La légende se réinvente en 1977 lorsque le Lido déménage de quelques numéros, s’installant à son adresse actuelle, le 116 de l’avenue des Champs-Élysées. Admirablement conçu et habillé par des architectes de renom, il devient le plus grand et luxueux cabaret d’Europe.
37 ans plus tard, en décembre 2014, le Lido entre dans un chantier d’envergure. Après 4 mois de fermeture et 25 M€ d’investissement, il rouvre ses portes en avril 2015, ne manquant pas de surprendre les habitués. « Tout a été rénové, de la façade à la machinerie en passant par le hall d’entrée et le mobilier », indique Hervé Duperret, directeur général des lieux depuis 2011. Sur scène, 100 m² d’écrans leds diffusent dorénavant d’incroyables tableaux animés. Avec cette modernisation, « il fallait conserver l’ADN du Lido, c’est-à-dire le strass et les paillettes », précise le directeur. La disposition de la salle, bien pensée dès 1977, n’a pas été modifiée.Une clientèle rajeunie
Les clients du Lido bénéficient d’un service personnalisé et ultra qualitatif. Dès leur arrivée, ils profitent d’un orchestre et peuvent se laisser aller à quelques pas de danse. Dans la soirée, une partie de la salle s’abaisse pour sublimer la grande scène. Là commence le show, qui a lui aussi été entièrement revu l’an dernier (voir ci-dessous).
Depuis la réouverture, les clients sont ravis et le bouche-à-oreille fonctionne. « Nous observons déjà une évolution : la clientèle s’est rajeunie, elle est devenue plus parisienne. Nous accueillons des gens qui ne venaient pas chez nous avant. J’explique cela par la nouvelle revue, son thème et son créateur, mais aussi par la qualité de notre offre de restauration », nous confie Hervé Duperret. Le Lido est en effet apprécié, aussi, pour ses plats issus de la gastronomie française.
La restauration compte pour la moitié du chiffre d’affaires du Lido qui dispose de 1 130 places assises. Une brigade de 35 cuisiniers et pâtissiers sert quelque 190 000 couverts par an, avec une ouverture 7 jours sur 7. La clientèle est à 45 % française et se compose aussi bien de couples que de familles et de groupes. Un chef fidèle et passionné
À la tête de la cuisine se trouve Philippe Lacroix, vosgien d’origine, diplômé de l’école hôtelière de Contrexéville. Après être passé par plusieurs grandes maisons en Lorraine, il suit sa femme à Paris en 1975 et se rend à la Société des Cuisiniers. « J’avais 18 ans et demi. Ils m’ont envoyé au Lido », se souvient le chef. Il découvre la maison alors qu’elle se trouve encore au 78 de l’avenue. « Je devais n’y faire qu’une mission de 6 mois, j’y suis encore 40 ans plus tard ! » Ce qui l’a fait rester ? « L’équipe du Lido, c’est comme une grande famille », sourit le chef, qui évoque la bonne ambiance et le faible turn over. « Chacun de nous se sent partie intégrante de l’établissement et l’affectionne. »
Quand le Lido déménage en 1977, le chef bénéficie d’une cuisine toute neuve et 4 fois plus grande, pour une surface commerciale doublée. « Nous sommes passés de 600 à 1 150 couverts », raconte Philippe Lacroix, devenu sous-chef 10 ans plus tard, puis chef de cuisine en 1994. Des ouvertures avec Sodexo
En 1997, Sodexo reprend en main la restauration, jusque-là gérée par Le Traiteur du Soir. « Cela nous a ouvert beaucoup de portes. J’ai intégré l’école des chefs Sodexo Marc Veyrat où j’ai pu rencontrer de nombreux grands noms, certains étant devenus des amis », poursuit le chef vosgien. Des chefs étoilés se mettent à intervenir au Lido, en formation et accompagnement. « Nous avons travaillé avec Paul Bocuse puis avec Alain Ducasse, qui ont tous les deux participé à la montée en gamme de l’offre. Ils nous imposaient des cartes qui paraissaient irréalisables, mais que nous arrivions à faire en travaillant. » Il faut savoir qu’au Lido, chaque recette doit pouvoir être réalisée pour 1 150 personnes, dans un cas de privatisation par exemple.
Nommé directeur de la cuisine en 2000, Philippe Lacroix est aujourd’hui entouré d’un chef de production, Aldo Bonasera, d’un sous-chef, Christophe Forlot, et d’une vingtaine de chefs de partie. Le Lido emploie aussi un chef pâtissier, Nicolas Bézier, qui travaille avec 3 pâtissiers. « Nous sommes une quinzaine à l’action à chaque service. »900 couverts en 1h15
Le chef parle de son restaurant comme d’une « brasserie de luxe » : « Nous faisons tout nous-mêmes, y compris les fonds et sauces. Nous proposons des plats étonnants et remplis de saveurs mais nous ne pouvons pas faire de la haute gastronomie avec 700 à 900 couverts à envoyer en 1h15. » Contrairement à ceux d’autres cabarets, le restaurant du Lido fonctionne à la carte, chaque client commandant ses plats sur place dans la formule qu’il a préalablement choisie : Triomphe à 300 €, Champs-Élysées à partir de 195 € ou Étoile dès 165 €.
Le service est réalisé table par table, par 80 employés. « Toutes les entrées doivent être servies à 19h30 », précise le chef, et tous les clients doivent avoir fini de dîner à 21h pour laisser place au spectacle. « Toute la complexité, c’est de pouvoir servir autant de couverts en si peu de temps tout en proposant des produits frais, de qualité et bien cuisinés, commente le directeur du Lido. Il nous faut aussi satisfaire un maximum de monde, de tous les âges et pays. Pour ce faire, nous nous remettons sans cesse en question. » Des fours 100 % Rational
Côté cuisine, l’organisation est, du coup, atypique. « Depuis 2002, elle présente un passe-plat central avec deux départs, côté cour et côté jardin, comme un théâtre. Tout est envoyé sous cloche. » Le chef a mis en place 6 plans de travail à peu près identiques pour chaque partie gérant un à deux plats. À chaque fois, on retrouve un fourneau intégrant une plancha, utilisée aussi bien en cuisson directe qu’avec des poêles ou casseroles. Un bain-marie permet de conserver les sauces au chaud, pour les déposer juste avant les envois. Une salamandre sert à flasher et à gratiner.
Mais l’élément le plus utilisé sur chaque poste de travail, c’est le four. Ravi par la marque Rational, le chef a profité de la grande rénovation du Lido de 2015 pour faire équiper la cuisine à 100 % de ses fours. L’équipe travaille donc aujourd’hui avec 3 fours Rational ClimaPlus Combi 101, 5 fours Rational SelfCookingCenter 5 Senses ( 3 à 20 niveaux et 2 à 10 niveaux).
« Ils nous sont utiles pour tout, dont le maintien au chaud », annonce le chef. L’équipe travaille beaucoup en cuissons sous vide avec régénération, surtout pour le menu Étoile, le plus commandé. Pour les volailles par exemple, elle les reçoit, les coupe, les assaisonne, les conditionne sous vide, les fait cuire à la vapeur à basse température dans les fours Rational et les passe en cellule de refroidissement. Le lendemain ou plus tard, elle les remet à température 10 à 12 minutes et les dresse sur assiettes avec la garniture, qu’il faut bien choisir. Ces dernières sont alors passées en régénération au four. « Ce procédé nous permet de conserver une texture et un goût parfaits, sans perte de poids. C’est essentiel au Lido où nous devons conserver la qualité de chaque plat pendant 6 mois », commente Philippe Lacroix. Des aides à l’innovation
Ces fours Rational sont aussi utilisés pour réaliser les pâtisseries du menu Étoile. Le chef du personnel, Laurent Andrisse, s’en sert aussi pour préparer les déjeuners des 150 employés. « C’est l’une des meilleures cantines de Paris », lance  Philippe Lacroix. Ce dernier précise que ces équipements ne sont exploités qu’à 80 %. « Mais, déjà comme ça, ils nous offrent une multitude de possibilités et nous permettent de progresser et d’innover ! »
Rapidité et facilité d’utilisation sont deux avantages clés de ces fours selon Philippe Lacroix. « Ils offrent aussi une grande précision. Le saumon ressort moelleux comme il faut. Bien que la cuisine ne soit pas une science exacte, ces équipements permettent d’atteindre des résultats proches de la perfection. Nous ne pourrions pas faire un travail de cette qualité sans ces fours. » Le chef du Lido évoque aussi la simplicité et l’efficacité du nettoyage intégré, qui « rend les fours et les échelles comme neufs et fait gagner beaucoup de temps à l’équipe ».


Paris Merveilles, une nouvelle revue ultra-moderne


Pas moins de 60 artistes, dont 12 Lido Boys et 40 Bluebell Girls, se succèdent dans la nouvelle revue Paris Merveilles. « La précédente était en place depuis 11 ans. Nous voulions proposer un grand spectacle plus moderne qui puisse plaire à tous, y compris à la jeunesse », indique Hervé Duperret.
Le glamour et l’extravagance sont toujours présents dans ce show signé du créateur et metteur en scène Franco Dragone. « Il a parcouru le monde pour réunir des talents aiguisés. Il s’est ensuite inspiré du chic à la française et du glamour des Parisiennes pour créer cette revue », raconte le directeur. Pendant plus de 2h, les chorégraphies cadencées s’enchaînent, ponctuées d’autres prestations comme les shows d’acrobaties aériennes de Cécile Magdeleine et Roman Bonaton. Tout cela dans des décors époustouflants : la scène laisse place tant à une patinoire, qu’à une fontaine et un majestueux lustre de 40 000 pampilles.


Anticiper une croissance


Les fours Rational permettent de gagner du temps, qui est précieux au Lido car chaque service se déroule en flux tendu, dans un timing serré. Des écrans de gestion des commandes et envois, clairs et bien placés, permettent de suivre en temps réel l’évolution du service. Côté stocks, seuls 60 m² de chambres froides suffisent, les produits étant livrés quotidiennement.
Cette organisation et ces équipements permettent de garantir des services qualitatifs aujourd’hui, mais aussi d’anticiper une hausse de fréquentation. Si les chiffres étaient au beau fixe depuis la réouverture d’avril 2015, les attentats de novembre ont ralenti la dynamique. « Nous nous en sommes tout de même bien sortis et restons très optimistes pour 2016 », annonce le directeur général. Le Lido, propriété du groupe Sodexo depuis 2006, fait partie des adresses « Lieux et Marques de Prestige » de Sodexo, pôle dirigé par Nathalie Bellon-Szabo.