La crise sanitaire du Covid-19 a mis en exergue, y compris auprès des clients, la thématique de l’hygiène dans la restauration. Comment ont évolué les pratiques et opinions ? Comment faire en sorte que ce volet essentiel du métier ne soit pas trop contraignant ? Tour d’horizon avec 2 expertes et plusieurs dirigeants* de groupes de restauration.
Par Anthony Thiriet et Florent Tzeng
*Témoignages recueillis dans le cadre de notre enquête Panorama B.R.A. 2021, Hors-Série publié en avril.
L’hygiène a toujours été au cœur de la restauration. « C’est un sujet de première priorité dans nos établissements, condition sine qua non à une activité zéro défaut », lance Laurent Degot, directeur réseau chez Tutti Pizza. « L’enjeu majeur dans la restauration, c’est de prévenir les risques de contaminations microbiologiques (bactéries, virus, champignons, levures, parasites) et de garantir la prévention des dangers (infection par des germes, intoxication alimentaire, empoisonnement lié à la présence de produits chimiques, etc.) », rappelle Cécile Rousseau, directrice marketing de Proven, PME française du groupe ORAPI qui conçoit, fabrique et distribue des produits d’entretien, d’hygiène et de désinfection pour les professionnels (voir Proven ci-dessous). « Les restaurants sont garants de la sécurité alimentaire de leurs clients. Ils doivent appliquer les bonnes pratiques d’hygiène et les principes HACCP pour empêcher la prolifération de micro-organismes qui rendraient impropre la consommation des produits alimentaires », ajoute Mathilde Abadie, chef de produit chez Werner & Mertz Professional, fabricant européen de produits et solutions de nettoyage pour les professionnels.
Maintenir les efforts liés à la crise
Pour Guillaume Ageron chez Selon Marceline by Alinéa, « les sujets de l’hygiène ont été exacerbés avec la crise sanitaire, qui a démontré combien la propagation d’un virus ou d’une bactérie est facile, rapide et peut avoir de lourdes conséquences ». Face au Covid-19, « l’hygiène est redevenue une priorité, en salle et dans les sanitaires, pour limiter les contaminations », constate Mathilde Abadie. « La pandémie a provoqué une prise de conscience générale sur l’importance de l’hygiène. Elle a renforcé les protocoles de nettoyage et de désinfection dans les CHR », ajoute Cécile Rousseau chez Proven. Elle cite notamment la fréquence de nettoyage plus élevée, la multiplication des zones à nettoyer et désinfecter, l’utilisation de produits avec des formules virucides EN 14476 et la popularisation des gels hydroalcooliques. Des communications ont été déployées dans les restaurants, comme « les 5 règles d’or du quotidien » chez Étienne Coffee & Shop, destinées aux employés mais consultables par les clients, « pour les rassurer ».
Les experts préviennent que la fin de la crise sanitaire ne doit pas entraîner l’arrêt des gestes essentiels en cuisine et dans la restauration, « dont la "marche en avant" dictée par la méthode HACCP », indique Cécile Rousseau, qui conseille aussi d’éviter le surdosage de produits désinfectants : « Le bon produit, au bon dosage, au bon endroit, c’est la clé ! »
Utiliser des écoproduits
Ces dernières années, l’hygiène est aussi devenue un levier pour limiter son impact environnemental (voir aussi notre dossier). L’écoresponsabilité est par exemple l’ADN de la gamme Action Verte de Proven, labélisée Ecocert et conçue avec des formules écologiques suractives, sans perturbateurs endocriniens (voir ci-dessous).
Selon une étude réalisée fin 2021 par CHD Expert pour Werner & Mertz Professional, 54 % des CHR utilisent des produits nettoyants écologiques pour l’hygiène, et 33 % des non-utilisateurs déclarent vouloir en utiliser dans le futur. À partir de janvier 2023, la nouvelle filière REP emballages restauration entraînera de nouvelles obligations et contraintes. « Il faudra privilégier les emballages écoconçus. Certaines de nos références sont déjà en plastique 100 % recyclé et recyclable et d’autres systèmes, comme nos poches souples et compactes Kliks, permettent de réduire jusqu’à 90 % de déchets plastiques », précise-t-on chez Werner & Merz Professional. Éco-pionnier dans le domaine de l’hygiène, le groupe propose, à travers sa marque Green Care Professional, plus de 70 produits certifiés par l’Écolabel européen et 40 certifiés Cradle-to-Cradle, label international pour l’écoconception circulaire de produits. Green Care Professional dispose de gammes complètes de produits variés conçus avec des formules biosourcées et végétales, ultraperformants et respectueux des utilisateurs. Certains sont certifiés Air Label Score, garantie de la bonne qualité de l’air lors de l’utilisation. « Nous proposons aussi à nos clients des services de conseil dans le choix des produits à installer et utiliser, et réalisons pour eux les plans d’hygiène, tout cela en cherchant à concilier au mieux désinfection et méthodes de "green cleaning" », ajoute Mathilde Abadie.
Mettre à jour et suivre son PMS
Quelles sont justement les bonnes pratiques ? Certains comme Bioburger mettent en place des plans de nettoyage par zone
et imposent des pratiques d’hygiène strictes comme l’aseptisation continuelle des plans de travail. D’autres comme La Vignery optent pour un nettoyage des verres à 60°C.
Tous les restaurateurs ont en tout cas un plan de maîtrise sanitaire (PMS), document essentiel et obligatoire. « Il faut le mettre à jour régulièrement, et faire en sorte qu’il soit utilisé à chaque instant de la journée », lance Nicolas Gaudin, gérant de Poutinebros. Chez SSP, la direction Qualité veille à ce que le PMS soit conforme aux exigences législatives, notamment grâce à l’accompagnement d’experts juridiques du SNARR. S’assurer de la bonne application du plan demande une certaine organisation. « Nous déployons une certaine gestion avec nos collaborateurs : rédaction de planning pour établir un roulement des tâches, gestion de stock en KANBAN des produits d'entretien, sensibilisation et formation… » explique Rudy Laïné, président de New Soul Food.
Intensifier la formation et les contrôles
La formation est l’une des clés pour garantir une hygiène parfaite en restauration. Souvent proposées aux franchisés et aux équipes avant d’ouvrir un point de vente, les formations aux normes HACCP sont primordiales. Tous les franchisés Basilic & Co suivent une formation certifiante, qu’ils sont régulièrement invités à renouveler. Chez Signorizza, la formation est continue « pour la remise à niveau ou la montée en compétences des équipes ». Pour mieux maîtriser l’hygiène, Étienne Coffee & Shop sensibilise aussi ses équipes terrain à l’hygiène. L’enseigne a opté pour la mise en ligne d’une formation continue et de QCM à faire par chaque salarié, et s’inspire des retours des clients. « Nous réalisons des audits de contrôle, et mettons en avant les procédures et process de travail à chaque visite », indique Cédric Chazelle.
Les vérifications s’ajoutent donc à la formation. L’enseigne Louise les Glaces en réalise « toutes les semaines sous le format d’autodiagnostic partagé pour l’amélioration des pratiques », confie Katia Le Berre. Le déploiement de « clients mystères », comme chez La Pizza de Nico et Pizza Cosy, permet aussi d’évaluer l’hygiène. « Nos animateurs réseau effectuent des visites régulières. Nous utilisons aussi un logiciel de traçabilité dans nos restaurants et des mouchards dans nos frigos permettent de maîtriser la chaîne du froid », indique pour sa part Jérémy Cerceau chez Bagel Corner.
Miser sur les solutions digitales
L’une des problématiques de l’hygiène, c’est la pénibilité pour personnel. « Avec la prise de conscience sur le bien-être des employés, la restauration commerciale est plus soucieuse d’apporter des solutions faciles à utiliser, sûres pour la santé et
ergonomiques », constate Mathilde Abadie.
La digitalisation participe aussi à cette évolution. « L’hygiène est une préoccupation des équipes au quotidien, les outils numériques ont bien amélioré ce travail », confirme Olivier Dutertre, master franchisé d’Indiana Café. De plus en plus de restaurateurs utilisent aujourd’hui des systèmes de gestion de l’HACCP. SSP a mis en place des outils pour « maîtriser la sécurité alimentaire, le contrôle et le suivi de l’hygiène, et conserver une trace de tout ». La solution ePack Hygiene est l’une des plus renommées, mais l’offre s’est élargie et de nombreuses entreprises proposent des outils efficaces comme Octopus (voir ci-dessous), So Easy, Testo et Netresto. « La mise en place de tels outils aide énormément au suivi réel et aux plans d’actions structurés pour la bonne mise en pratique des éléments d’hygiène », assure Marvens François chez PB Groupe .
S’appuyer sur des expertises externes
Concernant l’organisation, les stratégies varient. Certaines enseignes ont un poste ou un service dédié à l’hygiène. Chez Grégory Coutanceau par exemple, une personne est « en charge de toutes les questions QHSE et met en œuvre la politique de l’entreprise ». En parallèle, le recours à des experts externes est fréquent chez les restaurateurs pour réaliser audits, contrôles, analyses et autres prélèvements. Tous les franchisés Basilic & Co ont l’obligation contractuelle de nouer un partenariat avec un laboratoire indépendant ; et tous les Domino’s Pizza sont audités « plusieurs fois par mois par des organismes externes pour s’assurer que les standards stricts liés à l’hygiène sont respectés ». C’est aussi un prestataire spécialiste qui a aidé French Coffee Shop à rédiger son PMS et qui se charge d’en assurer le bon respect. Subway a également recours à des sociétés extérieures expertes comme Silliker et Eurofins, et à des systèmes d’évaluation comme Ecosure. Le groupe Restoleil passe par le cabinet Authentis pour former les équipes sur l’hygiène, et plusieurs enseignes dont Columbus Café & Co et Signorizza se réfèrent à Mérieux Nutriscience.
3 conseils par Green Care Professional
① Ne pas surmultiplier le nombre de produits : en plus de réduire les déchets, cela permet de simplifier le protocole de nettoyage pour le personnel, et de limiter les risques de mauvaises utilisations.
② Limiter l’usage à outrance des désinfectants : désinfecter quand c’est nécessaire ; toutes les zones n’ont pas besoin d’une désinfection quotidienne. La bonne utilisation d’un désinfectant est liée à une concentration et un temps de contact.
③ Favoriser des produits éco-labellisés : écolabel européen, Cradle to Cradle…
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partagés dans le cadre du Panorama B.R.A. 2021
« La sécurité alimentaire est le socle de l’expérience client et donc la pérennité d’un réseau », lance Cécile Rivoire chez Ninkasi. Jean-François Eon chez Dubble Food, est pour sa part intrigué par « l’absence d’avis en ligne sur l’hygiène, ni en bien ni en mal, sachant que les clients sont sensibles à ce sujet et soucieux de leur sécurité en matière d’alimentation ». Amaury Le Clere, chez Green sur mesure, d'évoquer de son côté la multiplication des contrôles des pouvoirs publics, et de regretter que « leurs résultats dépendent souvent de partis pris personnels des gens qui les réalisent, ce qui rend le sujet difficile à piloter ».
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