
Véritable composante du métier de restaurateur, la prise en compte de l’hygiène s’est accrue depuis la crise du Covid-19. Alors que les ventes de produits d’entretien se sont envolées par rapport à 2019, les restaurateurs tentent d’allier respect des normes en vigueur, économies et écologie. Le secret ? Être bien entouré.
Par Inès Evrain et Titouan Thonier
Depuis la crise du Covid-19, les ventes de produits désinfectants et les habitudes en termes d’hygiène ont pris une tout autre tournure. Pourtant, véritable composante du métier de restaurateur, avant 2020, l’hygiène était déjà soumise à un contrôle régulier et des normes strictes principalement édictées par l’HACCP (une méthode qui analyse et maîtrise les risques biologiques, chimiques et physiques de la fabrication des aliments ) : datage des produits, relevés de température ou encore sens de circulation des denrées dans l’établissement sont autant de règles à observer. « Certains produits d’entretien sont interdits, comme la Javel, car elle masque les odeurs », explique Antoine Léry, copropriétaire du restaurant Prout-Prout (Paris 17ᵉ). Pour se mettre aux normes, il a dû effectuer des travaux en septembre 2022, deux ans après son ouverture : « Nous avons collaboré avec un architecte qui n’était pas spécialisé en restauration et sommes donc passés à côté de certaines obligations. Par exemple, tous les plans de travail doivent être en inox, et le sol de la cuisine composé d’un carrelage spécifique à l’hygiène d’un restaurant. »
Outre les normes de l’HACCP, Ninon Josserand, responsable intégration des franchisés chez Pizza Cosy, souligne la présence d’une autre loi obligatoire en termes d’hygiène : « Elle concerne la réalisation d’auto-contrôles produits et surface, qui doivent être analysés par un laboratoire. » Ces auto-contrôles sont indispensables dans le cadre du règlement (CE) 178/2002, qui stipule : « L’obtention d’un niveau élevé de protection de la santé humaine et de la santé animale est l’un des objectifs fondamentaux de la législation alimentaire. » Ainsi, tout établissement de restauration se doit de contrôler l’hygiène du personnel, des matières premières, de l’entretien et de la maintenance des matériels et des locaux, afin de limiter l’apport bactérien.
Pour s’assurer du respect de ces normes, une formation HACCP a été mise en place par les pouvoirs publics. « Elle est obligatoire pour l’ouverture d’un établissement : au moins un salarié de l’entreprise doit en être titulaire. C’est mon associé qui la détient depuis ses études, mais je pense m’y inscrire un jour : c’est quelque chose d’utile », explique Antoine Léry.
L’importance d’être accompagné
« J’aurais aimé avoir les conseils d’un professionnel à mes débuts, car je n’étais pas au fait de toutes les procédures à respecter », confie Antoine Léry. Suivre les normes et lois peut en effet être fastidieux : c’est pourquoi de nombreuses entreprises privées proposent aux restaurateurs de les accompagner. « Les restaurateurs peuvent les mandater pour effectuer un contrôle et s’améliorer », précise le copropriétaire de Prout-Prout. C’est le cas de l’Institut Mérieux, avec lequel travaille Pizza Cosy. « Nous avons signé un contrat cadre pour que Mérieux vienne réaliser des audits hygiène. Nos franchisés ont 4 formules au choix : un audit par semestre, deux audits par an ou un relevé de surface et produit par semestre. L’analyse de l’eau est, elle, obligatoire tous les ans », explique Ninon Josserand. Ces audits d’entraînement permettent de prévenir tout contrôle non annoncé des inspecteurs. « Il y a de temps à autre des anomalies. Dans ce cas, nous tentons de remonter la chaîne pour en trouver la raison. Cela peut être une salade qui a été infectée. Le franchisé a alors l’obligation de corriger le manquement.»
Pour sensibiliser ses franchisés aux questions sanitaires, Pizza Cosy propose aux employés des franchises, des formations continues tout au long de l’année. « Cela leur donne un cadre, leur permet de comprendre ce qui peut engendrer un microbe, l’importance de se laver les mains ou d’utiliser la bonne planche pour les bons produits. » Chaque franchisé dispose ainsi d’un plan de maîtrise sanitaire, une trame à adapter selon le profil de l’établissement.
Une obligation de résultat
« L’hygiène et les contrôles sanitaires ne sont pas une pression, c’est simplement une composante de mon métier que je dois respecter », explique Pierre Lalague, chef du restaurant Prout-Prout. Ouvert en 2020, l’établissement n’a pas été contrôlé à son ouverture à cause du confinement, mais 2 ans plus tard : certains changements doivent être opérés – une pièce au sous-sol a ainsi été transformée en laboratoire. « Cela a coûté de l’argent, mais aujourd’hui nous sommes satisfaits d’avoir ce nouvel outil de travail qui, en plus d’être aux normes, fait gagner beaucoup de place en cuisine », explique Antoine Léry. « La DDPP est obligée de se déplacer si l’on est dénoncé par quelqu’un », ajoute Ninon Josserand. « En matière d’hygiène, nous sommes sur une obligation de résultat, pas de moyens. » Les restaurateurs sont donc libres de choisir les outils qui leur conviennent, à l’instar de Trackfood, utilisé par la franchise Pizza Cosy pour suivre la traçabilité de chaque produit dans tout le réseau. « Tous nos franchisés doivent en être équipés pour enregistrer les matières premières qu’ils utilisent. »
Hygiène et écologie : un pari impossible ?
« Malheureusement, je ne pense pas qu’un jour nous pourrons associer efficacité, respect des obligations d’hygiène et écologie », souligne Ninon Josserand, qui incrimine notamment la nécessité d’utiliser des essuie-tout, jetés tous les jours. C’est dans ce sens écologique que travaille Proven-Orapi. Le fabricant de produits d’hygiène et d’entretien français s’applique à observer une démarche RSE la plus pointue possible, pour mieux les soutenir. « Nous faisons tout pour avoir des produits recyclés et recyclables, pour qu’ils soient de plus en plus responsables », explique Mélissa Baron, directrice commerciale du groupe. « Et parmi nos nouveautés, au moins 50% doivent être écologiques tant au niveau des packagings que des formulations. » Face à une réglementation qui ne cesse d’évoluer (la loi Egalim, qui devrait être appliquée d’ici 2024, pourrait être amendée dans les mois à venir), Proven-Orapi s’attache à rester à l’écoute des restaurateurs, pour répondre au mieux à leurs besoins. « Ce sont des besoins qui évoluent aussi, ils sont plus exigeants», conclut Mélia Baron.
Faire des économies
Plébiscitée par les restaurateurs, la marque d’hygiène Ecolab propose plusieurs produits permettant de réduire les coûts des établissements, par exemple sa gamme Apex. « L’objectif fixé conjointement avec les restaurateurs est le nettoyage en un seul passage, qui permet de réaliser des économies d’eau, de temps et de productivité du personnel. Dix paniers de vaisselle à moitié remplis par jour génèrent ainsi un coût de 550€/an. Un lave-vaisselle entartré peut aussi entraîner une hausse de la consommation d’électricité de 10% », explique Gérard Palmisano, directeur marketing. La marque se propose également d’accompagner ses clients dans le respect des normes. Produits plus concentrés, contenants avec doseur ou encore vigilance accrue quant aux habitudes de leurs employés sont autant de solutions mises en place par les restaurateurs et les producteurs de produits d’entretien pour réduire coût énergétique et pollution.
Comment se déroule un contrôle sanitaire ?
L’inspection sanitaire des restaurants est placée sous la responsabilité de la Direction Départementale de Protection de la Population (DDPP). Les contrôles visent à vérifier le fonctionnement d’un établissement afin de s’assurer que les normes d’hygiène y sont bien respectées. En théorie, un premier contrôle est systématiquement effectué après l’ouverture d’un restaurant. Les inspections sont ensuite réalisées de manière aléatoire.
Les points de contrôle obligatoires sont déjà établis : entretien et hygiène des locaux, hygiène du personnel et contrôle de la chaîne du froid et des aliments. Plusieurs documents doivent pouvoir être fournis, comme le plan de maîtrise sanitaire (PMS), les attestations de formation du personnel ou encore le suivi de traçabilité des aliments. La DDPP est également chargée de veiller à la loyauté des relations commerciales, c’est-à-dire que les informations affichées dans le restaurant ne trompent pas le client.
Plusieurs sanctions peuvent être prises à la suite d’un contrôle. Une mise en demeure de la DDPP est d’abord adressée au restaurateur, avec le constat des défaillances et les mesures à mettre en place pour les résoudre dans un délai donné. Selon le degré de gravité de l’infraction, une sanction pénale peut également être prononcée. Dans les situations où la sécurité des consommateurs n’est plus garantie, la fermeture administrative de l’établissement peut être exigée.