Face à la hausse du sans alcool et à une réelle volonté de consommer des produits sains, locaux et durables, le secteur des softs se renouvelle depuis quelques années. Les sources d’innovations sont nombreuses, les goûts de plus en plus osés : focus sur un secteur prometteur ! Par Inès Evrain
Le secteur des softs – boissons non alcoolisées, boissons aromatisées à base d’eau ou boissons gazeuses – est en pleine ébullition. Face à une baisse de la consommation d’alcool dans les restaurants, ces produits, souvent plus sains et écoresponsables, ont la possibilité de tirer leur épingle du jeu.
Ainsi, en février 2023, le cabinet de conseil en stratégie Kearney prévoyait une consolidation du secteur au cours des deux années à venir, s’appuyant sur des fusions et acquisitions en hausse dans ce domaine : « Entre 2019 et 2021, la valeur de ces transactions est passée de 18 milliards de dollars à 25 milliards, alimentée par des opérations telles que Coca-Cola European Partners et Coca-Cola Amatil », explique le cabinet dans son étude « Industrie des boissons et consolidation du secteur ».
Le secteur s’adapte aux nouvelles habitudes de consommation : France Boissons, distributeur du secteur, élargit ainsi son offre de boissons aromatisées (goût cherry, mojito ou encore margarita). Des boissons plus naturelles et moins caloriques que les recettes originales prennent peu à peu leur place sur le marché des softs. Autant d’habitudes qui ont encore pris davantage d’ampleur à la suite de la pandémie de Covid-19 : Pour Augustin Laborde, fondateur du Paon qui Boit (une cave de boissons non alcoolisées à Paris), le confinement a été déterminant : « Aujourd’hui, c’est une tendance qui se développe et que l’on retrouve dans les chiffres, mais je n’aurais pas pu ouvrir Le Paon qui Boit avant le confinement : il n’y avait pas de produits, les producteurs et les consommateurs, dans leurs mentalités, n’étaient pas prêts », explique-t-il.
Des boissons naturelles…
Aujourd’hui, plusieurs tendances majeures se dessinent, à commencer par celle des boissons naturelles. Les consommateurs français étant en effet à la recherche de produits plus sains, et ce dans tous les domaines – le secteur des softs ne fait donc pas exception ! Depuis 2020, il s’agit de l’une des tendances observées par l’entreprise de conseil Alcimed, et qui continue à perdurer, voire à se développer. Les consommateurs souhaitent avant tout des produits dotés de labels « clean ». C’est pourquoi, en avril dernier, la Fédération Nationale des Boissons lançait un nouveau référentiel de son label RSE sectoriel. « Cette refonte répond principalement à deux objectifs : intégrer les grands défis de la profession et augmenter la visibilité des entreprises engagées. L’identité graphique modernisée à cette occasion et la création de la marque Grossiste en boissons Engagé en sont l’expression même », confie Laure Bomy, DG de la FNB. Plus exigeant, ce
label se distingue par cinq engagements majeurs : réduire l’empreinte carbone, agir en partenaire de confiance, préserver les ressources et agir en faveur de l’économie circulaire, ou encore être un employeur responsable et une entreprise ancrée dans son territoire. Autant de points auxquels les consommateurs de softs sont de plus en plus attentifs, soucieux de consommer des produits respectueux de l’environnement et de l’humain. La marque Lemonaid ChariTea propose ainsi des thés glacés et limonades 100% bio, naturels et équitables, et reverse une partie de ses ventes pour soutenir des projets de développement dans les pays du Sud.
Pour se démarquer, les marques françaises proposent donc de plus en plus de boissons « saines ». Coriace, la tendance du sans alcool entraîne l’émergence de nouvelles boissons, telles que les boissons fermentées – kombucha, kéfir, kvas – de plus en plus prisées par les consommateurs. Un écosystème de plus en plus solide se forme, au grand bonheur des consommateurs ! Parmi sa clientèle, Augustin Laborde observe surtout une attente de produits non sucrés : « Nos clients sont demandeurs de qualité, et ne veulent pas de sucres ajoutés. Même quand il y a du sucre résiduel, à cause des fruits, on veut le retirer. Nous avons donc un rayon “zéro sucre’’ et avons mis en place un système d’étiquetage assez simple pour indiquer les teneurs en sucre de nos différentes boissons. C’est un point qui rassure les gens », indique-t-il ainsi.
Les marques sont de plus en plus nombreuses à proposer une gamme de boissons répondant à ces critères : c’est ainsi le cas de Léa Nature, qui lançait en mars 2023 une gamme de soft-drinks, Kiva. Ces boissons gazeuses aux fruits remplacent les édulcorants par du sucre de canne et sont certifiées bio, proposées dans des bouteilles en verre et produites en France : autant de critères plébiscités par les consommateurs.
…et fonctionnelles
Ces derniers sont également à la recherche de boissons fonctionnelles. Selon Alcimed, cette tendance entraîne le développement d’une nouvelle génération de boissons énergétiques, à base de CBD ou faisant appel à des substituts naturels, tels que le guarana et le ginseng, permettant de booster son immunité et sa vitalité. « C’est une autre catégorie qui se démarque : les boissons énergisantes, au gingembre par exemple, ou encore les boissons adaptées aux jeunes et les boissons antioxydantes sont particulièrement appréciées », explique Augustin Laborde. « Aujourd’hui, ce sont des produits niches, mais qui occuperont une place importante dans deux ou trois ans. »
Pour répondre à ces nouvelles tendances, les enseignes spécialisées dans les boissons ont tout intérêt à innover : depuis fin 2021, les boissons « relaxantes » occupent ainsi le devant de la scène, notamment celles contenant du CBD. C’est le cas de la marque Chilled qui, s’inspirant des États-Unis, lance son eau pétillante au CBD infusée à l’hibiscus. Pour vendre leurs produits, ces marques associent leur boisson apaisante à un contenant pratique, design, moderne et coloré.
Comment séduire une nouvelle clientèle ?
« En ce qui concerne les contenants, nous sommes sur du zéro plastique, de l’aluminium ou du verre », explique Augustin Laborde. Comme la quête de produits sains, celle d’une boisson ancrée dans la durabilité est une tendance du secteur : les emballages, pour séduire, doivent donc être recyclables, biodégradables ou compostables. Alors que le verre devient difficile à trouver du fait des récentes crises, la canette en aluminium séduit de plus en plus, par sa légèreté, sa résistance et sa polyvalence. « Aujourd’hui, la canette n’est plus un frein à l’achat : les étiquettes sont de plus en plus travaillées, et les clients commencent à comprendre que l’aluminium pèse moins lourd et pollue moins. Il permet aussi une meilleure
conservation, c’est pourquoi les producteurs sont de plus en plus nombreux à passer à la canette », explique le fondateur du Paon qui Boit.
Les contenants, en plus d’être écoresponsables, doivent attirer l’œil pour séduire toutes clientèles, avec des étiquettes modernes et colorées. « Sur ces boissons, nombre de jeunes créateurs proposent certaines étiquettes avec un réel graphisme, voire du volume, agréable au toucher et sympathique à regarder. » Parmi les innovations à venir, des emballages intelligents : bouteilles sans étiquettes, contenant un logotype gravé à même l’emballage, ou encore utilisant un QR code.
Plus que le contenant, c’est le soft en lui-même qui saura séduire au mieux ces nouveaux consommateurs : « Nous sommes sur une recherche d’originalité, conclut Augustin Laborde. Côté goûts, le gingembre occupe une place prépondérante, tandis que les boissons avec des épices ou des piments sont de plus en plus demandées : les gens veulent être surpris ». Pour séduire, il faut donc aller chercher de nouveaux goûts, mais aussi de nouvelles techniques, permettant des saveurs plus prononcées et intéressantes. « Pour remplacer les infusions, qui vont donner un goût agréable mais fugace, les producteurs utilisent de plus en plus des macérations de plantes, de nouvelles techniques qui apportent plus de goût. Ainsi, Hyca propose des eaux pétillantes, réalisées à partir d’une technique utilisant la distillation. Ça marche très bien , notamment dans les restaurants étoilés, puisqu’elle apporte une vraie longueur en bouche, tout en étant une boisson zéro sucre et zéro calorie…».
Le verre consigné made in France, par Coca-Cola
Depuis mai 2022, Coca-Cola Europacific Partners propose au CHR son portefeuille de softs en format consigné, permettant de réduire la pollution liée à la production de bouteilles en verre. Produit en France, ce verre consigné jouit également d’un autre atout, celui de l’économie circulaire. « La passage à un modèle consigné en verre (…) est un véritable succès. C’est une avancée majeure pour l’ensemble de la filière (…). Nous constatons également que cela s’adapte à la demande des professionnels pour simplifier la collecte, et à celle des consommateurs, pour profiter de nos boissons de manière durable », commente Olivier Larose, Directeur Développement Durable de CCEP France.