Si la digitalisation des établissements de restauration fait souvent référence aux écrans et bornes de commande, le défi numérique auquel sont confrontés les professionnels du secteur ne s’arrête pas là. Phénomène accéléré par la pandémie de Covid-19, il est désormais primordial de répondre aux attentes de consommateurs toujours plus connectés. Les nouvelles technologies, notamment l’IA, ouvrent également de nombreuses perspectives pour les professionnels, en particulier dans le pilotage et la gestion de leurs établissements.
Par Titouan Thonier
Les outils numériques bouleversent profondément nos habitudes quotidiennes et nos façons de travailler. Facultative il y a encore quelques années, l’utilisation des réseaux sociaux par les professionnels de l’hôtellerie-restauration semble désormais quasi indispensable. Nombre de plateformes et d’outils digitaux voient le jour et transforment le secteur, obligeant les professionnels à s’adapter et à s’intéresser à ces nouvelles technologies. L’adoption de solutions numériques dans l’hôtellerie-restauration a été impulsée par l’évolution des comportements des consommateurs, de plus en plus connectés, par l’importance croissante des données ainsi que par la nécessité de mettre en place des outils d’aide à la gestion.
Un sujet au cœur des débats
La digitalisation des CHR a fait l’objet d’une table ronde lors de la troisième édition de la Convention Food Tendances en avril dernier. Les enjeux liés à cette problématique ont été évoqués à travers les témoignages de plusieurs professionnels et dirigeants d’enseignes. « Encore faut-il comprendre ce que l’on entend par digitalisation. Le numérique ne sert à rien s’il
ne répond pas à une demande précise », souligne Laura Stagno, Regional Manager Hospitality chez Lightspeed. Il est essentiel d’identifier les besoins de son établissement avant de mettre en place les solutions adaptées. Un restaurant traditionnel n’aura effectivement pas les mêmes besoins et attentes qu’une enseigne de fast-food, et devra par conséquent se tourner vers un système différent. Thierry Veil, CEO et fondateur de Bagelstein, explique « avoir fait grandir son enseigne avec un seul logiciel de caisse. J’avais besoin de connaître les habitudes des clients et la structure des ventes selon les différents créneaux de consommation, c’était un besoin de récolte de datas ». Les établissements peuvent ainsi choisir de faire confiance à une solution unique et globale ou bien multiplier les applications. Seulement, est-il possible de bénéficier d’un seul logiciel qui s’occupe parfaitement de l’ensemble des tâches à effectuer ? Oui, selon Thierry Veil, « même si certains aspects connexes sont moins bien gérés par les acteurs “all-in one” ».
Drive to store
La fidélisation des consommateurs fait aussi partie des points importants liés à la digitalisation. Elle va aujourd’hui bien plus loin que les simples systèmes de points que nous connaissions autrefois avec les cartes de fidélité. C’est désormais un levier de « drive to store », selon les mots du patron de Bagelstein, utilisé comme un outil marketing, par exemple en envoyant des notifications sur les promotions en cours. Nicolas Degeraud, directeur marketing et commercial chez Pokawa,
va plus loin et affirme que selon lui, « l’or de la restauration est aujourd’hui la data client. Il n’y a jamais eu autant de concurrence au sein du secteur, l’important pour se démarquer est d’avoir la capacité de rentrer en contact direct avec ses clients et de collecter des informations ». En effet, les plateformes de livraison produisent et emmagasinent énormément de datas, qu’elles ne partagent pas avec les groupes de restauration. Pour Nicolas Degeraud, la collecte d’informations est donc un enjeu plus important que le recrutement, qui fait pourtant partie des sujets brûlants du secteur. « L’enjeu selon moi se situe davantage autour de la fidélisation : on dit souvent que 20% des clients font 80% du chiffre d’affaires. » Connaître ses clients permet de mettre en œuvre la stratégie adéquate pour les faire revenir. C’est ici que la connexion avec un bon logiciel de caisse est importante. Objectif ? Obtenir un mix d’informations cohérent en vue de créer des « clusters » : produits favoris, clients végétariens ou encore allergies…
L’IA, une vraie aide à la gestion
Les outils numériques, notamment l’IA, s’avèrent également d’une grande aide dans le pilotage des établissements au quotidien. Fondateur de L’Atelier Papilles, Guillaume Lopez-Marcoux explique : « Le logiciel d’intelligence artificielle que nous avons adapté à nos besoins se nourrit de multiples facteurs, entre météo, manifestations sportives et trafic routier. C’est un outil prédictif qui, grâce à un algorithme, va nous permettre d’affiner nos commandes avec une très grande précision. » D’autres comme Bagelstein ne ressentent pas forcément le besoin d’utiliser de tels outils, du fait de l’utilisation de produits ultra-frais aux dates limite de consommation très courtes. « Le coût de l’outil ne serait pas amorti par d’éventuelles baisses de pertes, car la gestion des stocks est déjà centrale pour nous. Je n’ai en revanche aucun doute sur le fait que ce soit quelque chose d’extrêmement utile pour d’autres modèles. »
Expérience client… mais pas que
Le parcours client se voit lui aussi bouleversé par le numérique. Déjà largement démocratisées, les bornes de commande ont été la première étape de cette marche en avant vers la digitalisation. « L’expérience client débute aujourd’hui dès le moment de la réservation », affirme Laura Stagno. Au sortir de la pandémie de Covid-19, les menus en ligne, le plus souvent disponibles via des QR codes, ont continué de modifier le paysage de la restauration française et ses usages. Ils permettent tout d’abord un précieux gain de temps pour les serveurs. Certaines enseignes poussent la démarche encore plus loin en offrant à leurs clients la possibilité de commander directement à table via leur smartphone. « Cela permet d’améliorer le renouvellement de table, et par conséquent le chiffre d’affaires », souligne Antoine Le Vu, PDG de Kozy Paris, restaurants all-day brunch et coffee shops. Les outils numériques permettent aussi de simplifier la vie des salariés. « Chez Kozy, nous utilisons par exemple une messagerie interne, nous permettant de ne pas fonctionner par SMS et de différencier vie personnelle et professionnelle. Nous bénéficions, en partie grâce à ces mesures, d’un turnover relativement faible. » Reste que le digital n’est pas magique. Même dans le cas de l’IA, il reste un outil d’aide qui nécessite obligatoirement une activité et une réflexion humaines derrière, afin d’assurer son fonctionnement et son efficacité.
Des paiements sans contact sécurisés
La société bordelaise L’Addition lance Tap to Pay sur iPhone, une solution d’acceptation de paiement pour les cafés, hôtels et restaurants en collaboration avec Adyen. Ce système permet aux restaurateurs d’accepter des paiements sans contact de manière sécurisée via iPhone, Apple Pay ou d’autres portefeuilles numériques. En simplifiant les processus de paiement, L’Addition permet aux restaurateurs d’encaisser directement à table sans terminal de paiement supplémentaire. Cette innovation s’inscrit dans la stratégie de L’Addition, visant à transformer l’expérience en restauration et à offrir des solutions adaptées aux besoins des professionnels.
Des solutions de paiement simplifiées
Lyf réinvente les parcours d’achat du quotidien : à l’aube des Jeux olympiques, la fintech française a développé Lyf Pro, solution permettant d’accepter les moyens de paiement étrangers. En Asie, la majorité des consommateurs règlent par exemple leurs achats à l’aide de wallets, poussant les entreprises à modifier les solutions qu’elles proposent. Via l’application Lyf Pro, les clients génèrent un QR code devant être scanné par le professionnel. Le montant de l’achat s’affiche ensuite dans les deux monnaies concernées, avant que professionnel et client ne reçoivent une confirmation de transaction.