En amont des salons Wine Paris & Vinexpo Paris, prévus du 14 au 16 février à Paris, Vinexposium propose de découvrir, en ligne, une table-ronde dédiée à la place des vins et spiritueux dans les CHR. Premiers échanges avant son enregistrement avec Bernard Boutboul, président-fondateur de Gira, Bertrand Baudaire, pdg du groupe La Boucherie, Célia Tunc, secrétaire générale du Collège Culinaire de France et le chef Alain Dutournier, qui participeront à ces échanges ; avec Anaïs Egrée pour Vinexposium, et notre rédacteur en chef, qui les animeront. Par Christelle Zamora et Anthony Thiriet
Selon les baromètres du vin, la tendance est à la baisse de consommation en France, y compris au restaurant. « La
restauration à table, qui consomme le plus de vin, a une activité ralentie à cause du Covid-19, ce qui tend à brider les ventes », analyse Bertrand Baudaire chez La Boucherie. « La demande se redynamise, car ça reste un produit plaisir. Mais il faut vendre du vin autrement », pense Bernard Boutboul. L’expert de Gira précise que « les bouteilles et demi-bouteilles régressent, mais le vin au verre fonctionne bien ». Santé publique, sécurité routière, les messages martelés par les pouvoirs publics participent à la fragilisation de la consommation des vins et spiritueux. Les experts constatent qu’elle est plus facile près d’un hôtel ou dans le cadre d’un séjour avec nuitée. « Quand on n’a pas à reprendre le volant, on peut se faire davantage plaisir », soulève Bertrand Baudaire.
Une stratégie « vins » à affiner
Selon un sondage du Collège Culinaire de France de janvier 2021, la carte des boissons est un critère « important » dans le choix d’un restaurant pour 51,5 % des Français. 10 % d’entre eux pensent que l’offre de vin est « très importante » pour se décider ; et les 18-29 ans prendraient encore plus en compte les propositions du bar. « Tous les restaurateurs n’observent pas une baisse de la consommation du vin », indique Célia Tunc. Une étude Les Grappes de juillet 2019 précise même que le restaurant est le lieu de dégustation préféré du vin pour 43 % des Français. Si sa part moyenne dans le CA des CHR est de 20 %, elle est parfois bien supérieure. À la tête de 7 restaurants parisiens, Julien Fouin « réalise 35 % de son CA en vin, en appliquant de petits coefficients et en vendant des bouteilles à tous les prix », relate la secrétaire générale du Collège Culinaire de France.
Ajoutons que les moins de 35 ans ont un niveau de connaissance du vin de plus en plus élevé. « Aujourd’hui, il ne suffit pas de proposer des vins au verre. Il faut les associer à des mets, réduire le contenant, augmenter la qualité et réduire le prix de vente en pratiquant la théorie des marges inversées », clame Bernard Boutboul. La clientèle s’intéresse aussi à l’écoresponsabilité, et privilégie les vignerons locaux : « Les vins régionaux sont prisés : à la manière des mets, les vins doivent témoigner de la richesse des terroirs et des particularités locales », reprend Célia Tunc. Sourcing, locavorisme et foodpairing sont donc d’actualité.
Vers toujours plus de « service »
Pour le chef Alain Dutournier, « si la consommation de vin s’est développée autour des planches de charcuterie et
fromages, l’avenir passera par de belles sélections favorisant la qualité plutôt que la quantité, à des prix abordables. Il faudra aussi apporter davantage d’explications et de conseils aux clients ». Même son de cloche à La Boucherie : « Si nous voulons faire plaisir au consommateur, nous devons lui apporter du service supplémentaire, assure son pdg. Il est judicieux de proposer un choix de vin au verre assez large et varié pour accompagner chaque repas. Les gens aiment découvrir des références peu connues. »
Les experts s’accordent à dire qu’il ne faut pas hésiter à innover et étonner à travers son offre de vins, surtout face à la dynamique concurrente qu’est la bière : « Le nombre de clients optant pour
la bière lors des repas augmente nettement ; encouragé par l’élargissement de l’offre », poursuit Bertrand Baudaire. Son faible taux d’alcool lui fait aussi gagner des points.
Des spiritueux
à mettre en scène
Quid des spiritueux ? En régression chez les plus de 45 ans, leur consommation augmente chez les plus jeunes. Si l’apéritif classique chute, le cocktail alcoolisé progresse, porté par l’essor de la mixologie et du « cocktail pairing ». Le Covid-19 a profité aux spiritueux, notamment au gin (+ 22,5 %), au rhum (+ 12,4 %) et au whisky (+ 3,9 %). On retrouve là aussi les tendances de régionalisation et de sourcing : il se produit par exemple du gin aux agrumes bio en Occitanie, et à l’alcool d’olives en Provence.
Les spiritueux surfent aussi sur l’essor des coins épicerie, de la VAE et de la livraison. « La multiplication des restaurants
hybrides accentue ces tendances. Beaucoup sont aussi cavistes », prévient Célia Tunc. Si Bertrand Baudaire observe un fort ralentissement de la vente d'alcool en fin de repas, il note une progression en afterwork et apéritif, notamment sur les cocktails, gins, vodkas et rhums. « Il faut encore faire l'effort de proposer des spiritueux et autres boissons originales, sinon le client ne les demande pas », modère-t-il. Le pdg de La Boucherie suggère « d’intégrer de belles découvertes » à son offre, et de « raconter une histoire ». Le « pairing » avec des spiritueux est une autre tendance montante, le chef Olivier Nasti proposant par exemple des accords mets & gins. Pour Alain Dutournier, il est judicieux de proposer « des offres en petits volumes de 2 cl ou 4 cl, avec des cartes explicatives » (voir aussi ci-dessous).
► Visionnez la table ronde dans son intégralité via les réseaux de Vinexposium, Wine Paris & Vinexpo Paris, et ceux de notre magazine B.R.A. Tendances Restauration.
► Pour les spiritueux, voir aussi l’interview de notre invité du mois, le mixologue Matthias Giroud.